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Au dessus de Chiba
17 août 2005

Car je suis déçu...

Voila ce qui arrive quand on attend avec impatience la sortie d'un roman, quand on aime tellement le précédent bouquin du même auteur qu'on espère que le  nouveau sera de la même eau : on est déçu. J'ai lu Car je suis légion, de Xavier Mauméjean, et je n'y trouve pas mon compte. C'est un roman qui pourrait être très intéressant, mais il manque quelque chose pour que ça décolle vraiment...

Poursuivant sur la lancée de La Vénus anatomique, Mauméjean a écrit un roman qui n'est pas vraiment de la SF, qui part d'un fond historique apparament très travaillé et bien documenté, pour aboutir à un livre qui tient en même temps de l'uchronie, du roman historique et de la métaphore. L'action se passe dans l'empire babylonien de Nabuchodonosaure, au VIe siècle avant J-C. Le personnage principal est un "accusateur", sorte d'enquêteur-juge-policier. Pour des raisons théologiques un peu obscures (c'est, à mon sens, l'une des faiblesses du roman), le "temps est suspendu" : un décret royal annule  purement et simplement la loi, livrant la ville à l'anarchie. Dans le chaos qui s'en suit, le protagoniste repère un meurtre suspect et décide de mener l'enquête, ce qui le conduira à démasquer un complot là encore mal défini : révolution, complot d'extrêmistes religieux, vrai conflit de religion... ?

Ce qui fonctionne très bien, c'est l'évocation de Babylone, de ses lois, de la vie quotidienne. Comme pour La Vénus anatomique, on sent que Mauméjean s'est documenté, a fouillé son sujet et qu'il a un vrai talent pour le roman historique. L'idée de base, elle aussi, est excellente : à travers un personnage qui incarne la loi, au sens le plus strict du terme (on peut se demander si ces accusateurs sont à l'origine du personnage de Judge Dredd... "I am the Law"), on regarde, effaré, comment la population, privée des barrières du code d'Hammurabi, s'empresse de sombrer dans la barbarie. À quels fragiles garde-fous tient une civilisation ?

Mais plusieurs points viennent gâcher la lecture. Les personnages, d'abord. Stéréotypés, schématiques... Le gentil juge intègre, le méchant noble fier de ses origines, l'ami du héro, fragile et bon, le novice, prometteur, etc. Du cliché, aucun relief.

L'intrigue en elle-même, ensuite : on est bien conscient qu'à 25 siècles d'écart, il est difficile de comprendre les mentalités des Babyloniens. Mais il n'empêche. On a du mal à gober l'histoire de la suspension de la loi, suite à quelques évasifs présages. Le rôle du romancier aurait été d'amener le lecteur à comprendre pourquoi une civilisation brillante peut choisir, pour des raisons aussi faibles, de plonger délibérement dans la barbarie. Comme dans un mauvais roman de science-fiction, Car je suis légion échoue à opérer la "suspension of disbelief". Et du coup, toute la suite en est plombée. La logique a disparu. De même, le complot théologico-politique est difficile à accepter, on n'en comprend ni les enjeux ni les motivations... Le travail fait par l'auteur dans la première partie du roman, pour nous enseigner le mode de vie des Babyloniens, est excellent. La même chose aurait dû être faite pour nous faire apréhender leur mentalité.

Enfin, la description des scènes de chaos reste faible. Dans quelques interviews ou critiques, Mauméjean affirme avoir voulu faire un roman "ultra-violent". On sait, pour avoir lu La faim du monde, par exemple, qu'il est capable de pousser très loin dans la puissance des images qu'il met en scène. Mais là, ça reste un peu fade. Le chaos est un peu trop propre, trop bien rangé...

J-F S.

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