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Au dessus de Chiba
15 juillet 2005

Charlie et le centre de rétention pour mineurs

J'aime beaucoup les films de Tim Burton, et j'apprécie énormément l'acteur Johnny Depp (qui, parmi d'autres qualités, vit avec Vanessa Paradis pour laquelle j'ai une grande admiration depuis que je l'ai vue dans un superbe film de SF récent... Si, si, je suis sérieux !).

Donc j'ai profité de ce que je n'étais pas invité à la garden-party élyséenne pour aller voir Charlie et la chocolaterie. La bande-annonce m'avait laissé penser que c'était un film pour les enfants. Pas du tout. C'est un film contre les enfants.

Le mystérieux patron de la plus grande fabrique de chocolats du monde invite cinq enfants, choisis par concours, à visiter son étrange usine, peuplée de lutins chanteurs, d'animaux intelligents et autres merveilles (dont un appareil à téléportation qui ne dépareillerait pas à bord de l'Enterprise). Au cours de la visite, les charmants bambins vont être éliminés par là où ils ont péché : le boulimique est victime de la gourmandise, la bête à concours est piégée par son orgueil, etc.

On peut regretter un certain goût pour le cliché xénophobe bas du front : le gamin boulimique est forcément allemand et ses parents tiennent une charcuterie, l'anglaise a des dents de devant grandes comme des pelles à tartes et elle monte à poney,... à se demander si ce n'est pas le conseiller en communication de Chirac qui a écrit le scénario. Il ne manque que les «Chinois-fourbes-et-cruels», mais on est rassuré : il y a des sauvages au taux de mélanine élevé, et ils ont le rythme dans la peau.

La première partie, qui raconte comment les cinq enfants trouvent les fameux « tickets d'or » cachés dans des barres de chocolat, fait froid dans le dos. On y découvre Charlie, héros archétypal pauvre comme un personnage de Dickens mais aimé par une famille adorable, et surtout soutenu par le sens du merveilleux d'un grand père plein de bonté. La quête que mène le garçon, avec ses rebondissements, ses espoirs et ses déceptions, dans une ville idéalisée sur laquelle tombe la neige des contes de Noël ressemble à toutes les quêtes d'histoires merveilleuses pour enfant. Mais ici, l'objet de la quête n'est pas un chaudron magique, un trésor ou une épée merveilleuse. Il s'agit d'un coupon publicitaire, le triste gadget sur lequel repose une gigantesque opération marketing. Notre société n'a plus que les quêtes qu'elle mérite...

Puis la visite de l'usine commence pour les cinq lauréats, emmenés par un Johnny Depp fabuleux. Dès son apparition, on est frappé par l'actualité du personnage : son look de mort-vivant androgyne, ses rapports très ambigus avec les enfants, mélange de séduction et de méchanceté, sa démarche de dandy elfique... Johnny Depp est-il en train de nous offrir une caricature de Michael Jackson ? L'ambiguïté de certains propos renforce cette impression. Quoiqu'il en soit, ce Willy Wonka a quelque chose de méphistophélique.

On retrouve le Tim Burton de l'étrange Noël de Mr. Jack, cette façon cynique de faire naître l'horreur à partir des images les plus classiques des contes pour enfants. La scène des automates est particulièrement réussie dans ce sens là.

Cette visite loufoque est entrecoupée de flash-backs sur l'enfance de Willy Wonka. Mère absente, père autocratique... On retrouve le traumatisme initial déjà présent chez le Ichabod Crane de Sleepy Hollow. Même l'improbable appareil dentaire de Willy rappelle les étranges outils d'investigation de ce précédent personnage, incarné aussi par Depp.

Peu avant la fin du film, un gag plus ou moins incongru : Burton s'offre une parodie grand-guignolesque de 2001, l'odyssée de l'espace, musique de Strauss à l'appui, où une gigantesque tablette de chocolat a remplacé le célèbre monolithe noir. Dans la salle de cinéma, pourtant bondée, presque personne ne rit. Serais-je entré par erreur dans un multiplexe ?

J-F S.

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