La cité des crânes
Lecture du dernier roman de Thomas Day, La cité des crânes
(éd. du Belial). Bon, c'est mitigé, comme impression... Ce roman se
présente comme en partie autobiographique : l'auteur-narrateur, écoeuré
par l'Occident en général et par les élections présidentielles de 2002
en particulier, part en Asie du sud-est. Bordels glauques de la
Thaïlande, whisky à gogo, drogues diverses, mal de vivre... Le début du
livre est un peu maniéré, un peu irritant, comme si Vincent Delerm
avait voulu écrire un "Bukowsky à Bangkok".
Lorsque le narrateur se
fixe dans un village paumé où il devient patron de bordel et tombe
amoureux de l'une des prostituées, l'intérêt du roman remonte de
plusieurs crans. Pour deux raisons : Thomas Day écrit bien, et son ton
est authentique. Son évocation des rapports sulfureux qu'il entretient
avec cette partie du monde, le tableau de l'Asie qu'il dresse,
l'exercice périlleux de l'autobiographie entraînent le lecteur et
permettent d'oublier les petits détails agaçants (le narcissisme,
inhérent à toute autobiographie, le ton moralistateur de Thomas Day "je
ne suis pas Houellebecq", la fascination que l'auteur a pour sa bite et
les différents orifices dans lesquels il la met...).
Et puis la fin du livre part dans un délire plus ou moins fantastique, vraisemblablement inspiré par Apocalypse Now,
mais qui vient un peu comme un cheveu sur la soupe. Intervenant trop
brutallement et sans trop de justification (si ce n'est celle d'écrire
dans une maison d'édition "de genre" et d'avoir l'étiquette "écrivain
de SF" collé sur le dos... alors que Thomas Day proclame souvent haut
et fort son horreur des étiquettes !), cette fin n'apporte pas grand
chose et ne répond qu'à peine aux questions soulevées dans le reste du
roman.
C'est donc un livre que j'ai eu du mal à commencer, dont la
fin m'a déçu, mais que je recommande pour la partie centrale. Malgré
tous ses côtés agaçants, Day est touchant lorsqu'il se livre ainsi et
raconte un pays dont il est tombé amoureux. Et son style, très
évocateur, mérite le détour. Last but not least, il m'a donné envie de revoir Apocalypse Now et de découvrir les romans de Conrad. Une interview de Day à propos de La cité des crânes est lisible sur Actu-SF.
J-F S.