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Au dessus de Chiba
20 décembre 2006

Bloodsilver

Lecture en cours : Claude Seignolle, La morsure de Satan

Sous une très belle couverture de Didier Graffet, Bloodsilver, d'un certain Wayne Barrow, est un ouvrage surprenant. À lire la quatrième de couverture, on s'attend un peu à trouver un pendant "roman" à l'excellent (et plus ou moins défunt, je crois...) jeu de rôles Deadlands, sorte de Steampunk mâtiné de fantastique dans la conquête de l'Ouest.

Première surprise : plutôt qu'un roman, il s'agit d'une suite de courts textes, une sorte de fix-up. La conquête de l'Ouest version Nuit du Nosferatu nous est racontée par petites touches, par flash chronologiques, qui constituent chacun une histoire à part entière. Seuls quelques rares personnages réapparaissent d'un texte à l'autre. Il faut dire que l'on meurt beaucoup, dans ce Far-West que se disputent colons humains, Indiens et envahisseurs vampiriques !

Seconde surprise : on n'est pas vraiment dans le pulp, dans le roman d'aventure léger et rigolo. L'univers est sombre, la violence est décrite cruement, bref, si on est dans le western spaghetti (avec supplément de sauce tomate), c'est plus du côté de le bon, la brute et le truand que de Trinita qu'on se situe.
bloodsilver

Bloodsilver raconte ce qu'aurait été la conquête de l'Ouest si, dans le sillage du Mayflower, était arrivé un bateau rempli jusqu'en haut du mat de vampires des Carpates. Après quelques textes relatant la difficile cohabitation des "Stryges" et de leur bétail humain peu coopératif, Wayne Barrow prend encore le lecteur à contre-pied : on n'assistera pas à une n-ième ressucée (ha ha ha...) de Van Helsing contre Dracula, ni à une version Winchester et Mustangs de Buffy contre les vampires, mais plutôt à la cohabitation chaotique entre deux espèces. Le texte devient alors parfois une sorte de réflexion métaphorique sur les sociétés "multiéthniques", le melting-pot...

 

À travers les péripéties des humains et de leurs si semblables adversaires, Wayne Barrow s'amuse à réecrire l'histoire des grandes figures de l'Ouest américain, dans un procédé classique du steampunk. Les frères Dalton, Wyatt Earp, les sorcières de Salem, Billy the Kid... sont tous de la partie. Les éléments historiques sont utilisés avec astuce pour faire rentrer ses grandes figures dans la trame du récit. C'est sans doute là que Wayne Barrow avoue ses sources : il a recours aux même procédés à base d'érudition et d'hommage joyeusement irrespectueux que certains des meilleurs auteurs français qui ont fait leurs premières armes en publiant du Steampunk chez Mnémos.

Si les textes sont très variés, on a forcément des éléments inégaux en qualité. Ainsi, La veuve noire, le plus "mystique" du lot, m'a paru un peu déparaillé et pour tout dire trop long. Wounded Knee, s'il marque par l'évocation brutale d'un massacre historique, n'utilise les vampires que de façon anecdotique, comme si l'auteur avait voulu à tout prix caser cette histoire, sans qu'elle n'appartienne vraiment à son univers fantastique. Loin de ces deux bémols, j'ai beaucoup aimé Silvercity, qui raconte la triste fin de Mark Twain (l'un des rares personnages jouissant de plusieurs apparitions dans le livre) et, surtout, Nuit de sang, l'un des plus sombres et des plus violents du roman. Là encore, un texte qui ne détonnerait pas dans la production de certains auteurs français habitués des éditions Mnémos, et connus pour des nouvelles d'une même apreté et tout aussi fascinées par la viande humaine et les mortifications qu'on peut lui faire subir...

Ceux qui voudraient en apprendre plus sur Wayne Barrow peuvent aller lire l'interview qu'il donne à Actu-SF (je me demande si la photo n'est pas un peu datée, quand on lit sur la quatrième de couverture "né en 1951 [...] colosse [...] de mère navajo"), ainsi que l'article que lui consacre le Cafard cosmique, riche d'informations sur cet auteur.

J-F S.

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