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Au dessus de Chiba
10 août 2006

Bifrost n°43

Après le volumineux numéro-anniversaire, Bifrost change de tactique : plutôt qu'une pléthore de texte, on n'a droit, ici, qu'à trois nouvelles. Mais si l'une est d'un format plutôt ramassé, les deux autres sont de véritables novellas, longueur qu'Olivier Girard semble particulièrement apprécié, que ça soit dans sa revue ou aux éditions du Belial (citons, parmi bien d'autres, l'excellent Atomic Bomb de Calvo et Colin, ou le plus discutable Derniers contrats de Daemone Eraser de Thomas Day - quoique la fin, tentative assez astucieuse d'appliquer la mécanique quantique à la littérature, vaut à elle seule la lecture de ce petit roman...).
Pour une bonne photo de groupe, on préconise de faire passer les petits devant. Attaquons donc par Après-guerre, d'Emanuel Jouane. Honte à moi, je ne connaissais pas cet auteur, qui fut, à en croire le dossier que ce même Bifrost lui consacre, un acteur majeur du genre dans les années 80-90. Quasi-fondateur du groupe Limite, même (ça, j'en avais quand même entendu un peu parler...). Premier texte que je lis de lui, donc, cette Après-guerre ne m'a pas convaincu. C'est bien écrit, « sur-écrit », même, aurais-je envie de dire, si je savais ce que ça signifie. Mais c'est un peu vague, on sent qu'il y a un énorme univers derrière cette histoire de type qui se ballade, peut-être, sur les prémices d'un conflit galactique, mais l'auteur ne semble pas daigner nous éclairer plus que cela.
Passons maintenant aux deux « moyens métrages » de cette livraison. Tout d'abord Ugo Bellagamba, habitué à avoir les honneurs des éditions du Belial. Une fois encore, il ressort ses marottes d'historien. Cette fois-ci, Quirites (je ne savais même pas que ce mot existait dans mon dictionnaire... Dingue, non ?) met en scène une sorte d'arche spaciale où l'on vit à l'époque romaine : empereurs tyraniques, prêtres, esclaves et soldats disciplinés... Si l'on passe sur certaines complaisances dans la violence (ha ! le coup du foetus cloué au mur au dessus du cadavre de sa mère... Il ne manquait qu'une scène de sodomie avec le pilum pour qu'on se croît dans du Thomas Day de la grande époque), le texte est agréable à lire, rappelant un peu L'apopis républicain, du même auteur. Les personnages sont très stéréotypés, surtout pour un texte aussi long, mais l'originalité de la chute (et le mot n'est pas employé au hasard ici...) rattrape ces petits défauts. Bref, après avoir dit beaucoup de mal des autres textes de Bellagamba que j'avais lus, je commence à réviser mon jugement sur cet auteur... Il ne faut jamais désespérer.
Et voici le clou du spectacle, j'ai nommé : Monsieur Alastair Reynolds himself, dans une longue nouvelle issue du cycle des Inhibiteurs, Galactic North (note du Toubon qui sommeille en moi : « Hé, m'dame Denis, ça t'aurait écorché les doigts de traduire le titre en même temps que le texte ? »). Je ne voudrais pas entretenir une guerre Galaxies - Bifrost (Thomas Day y réussit très bien tout seul dans une nouvelle rubrique consacrée aux revues ; j'y reviendrai...), mais force est de constater que Girard a eu plus de nez que Nicot pour choisir son Reynolds. Au contraire de la Grande muraille de Mars, on retrouve ici la démesure, le vertige scientifique, les échelles de temps titanesques (mine de rien, l'histoire se déroule sur plus de 380 siècles, alors venez pas vous plaindre pour un blog qui reste en jachère pendant 2 petits mois...), le foisonnement d'idées sur les sociétés du futur, les extra-terrestres... qui font tout le sel des romans de Reynolds. Impossible de résumer l'histoire. Qu'on sache seulement qu'on y retrouve les Démarchistes et les Conjoineurs, que les Inhibiteurs sont évoqués, mais qu'il y a pire comme ennemies de la vie : des nanobots de terraformation !
Pour terminer sur ce nouveau Bifrost, quelques mots sur les rubriques. Rien de neuf sur les critiques, toujours aussi intéressant. Pierre Stolze décortique l'autobiographie de Sadoul (se livrant, au passage, à la sienne...). Thomas Day inaugure une nouvelle rubrique, consacrée aux revues (Fiction n°3, Fantasy 2006 et Galaxies n°39 ont l'honneur d'essuyer les plâtres). Avec tact et mesure, cela va de soi, il analyse le contenu de la revue soeur de Bifrost. Sur le fond, je suis assez d'accord avec lui, en particulier sur la piètre qualité des textes francophones du dernier Galaxies. Sur la forme... Bah, c'est Thomas Day. J'ai un peu honte, mais j'avoue que ça me fait bien rire, parfois.
Deux rubriques plus "érudites" sont offertes au lecteur, mais rien d'emballant, à mon goût. Le premier volet des Anticipateurs (série consacrée à la recherche d'une proto-science-fiction) évoque trois utopistes des XVIIIe et XIXe siècle. C'est bien pour pouvoir épater lors des dîners mondains, mais ça ne m'a pas passioné, et encore moins donné envie de lire ces messieurs. Tiens, si vous voulez briller en société avec quelque chose d'un peu plus conséquent, allez donc écouter les conférences de Michel Onfray diffusées tous les soirs sur France-Culture (en podcast aussi), c'est beaucoup plus drôle, c'est passionant, et ceux qui ont apprécié La Vénus anatomique de Mauméjean auront le grand plaisir de retrouver La Metrie.
Pour Scientifiction, Roland Lehoucq cède sa place à un géographe, Alain Musset, qui nous parle des villes comme métaphore de la société dans la SF. L'article s'apparente à un long catalogue des oeuvres de SF mettant en scène des mégalopoles. Un peu vain, et on attendrait une analyse plus poussée. Mais bon, c'est l'été, on ne va pas trop se fatiguer les neuronnes !
Et pour finir par le début : dixième anniversaire oblige, la maquette de la couverture a (un peu) changé. Elle a un petit côté pulp. Pas laid, pas désagréable, mais pas forcément utile non plus. Et une jolie couverture de Marc Simonetti.

J-F S.

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Commentaires
S
bonjour, <br /> <br /> Je me promène sur la toile et je tombe sur cette interpellation au sujet de ma traduction de Galactic North. Et je me dis, tiens, le titre était en anglais, je ne m'en étais pas aperçue (c'est malin). Et je vais vérifier sur le fichier de la trad, que si, je l'ai bien traduit, le titre, mais Olivier ne l'a pas gardé, je ne sais pas pourquoi… je tâcherai de lui demander un de ces jours…Mais bon, je n'y suis pour rien, je le jure ! <br /> <br /> Sylvie Denis
Au dessus de Chiba
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