En remorquant Jéhovah
Lecture en cours : Jeunesse, de Joseph Conrad.
Comme En remorquant Jéhovah, de James Morrow, ne parlait pas de Cécilia Sarkozy, j'ai pu achever la lecture de cet excellent roman sans être convoqué au Ministère de l'Intérieur.
Après
avoir entendu son auteur s'exprimer lors de plusieurs conférences aux
Utopiales, à Nantes, j'ai eu envie de découvrir son texte le plus
célèbre, construit sur un argument à la fois simple et sublime : Dieu
est mort, Son cadavre de 3 km de long flotte dans l'Océan atlantique,
et le Vatician affrête un super-tanker pour Le remorquer dans un
tombeau discret quelque part dans l'Arctique.
Je n'entrerai pas dans le détail des nombreuses qualités de ce livre, Pascal Patoz fait cela beaucoup mieux que moi sur Noosfere. Je mentionnerai simplement deux scènes qui, à elles seules, justifient la lecture du bouquin :
- Une eucharistie aux allures de barbecue géant, où l'autel est un réchaud de camping et le corps du Christ est découpé à la tronçonneuse dans le cadavre de Dieu.
- L'attaque du cadavre géant par une bande de vieux fous reconstituant la bataille de Midway avec du matériel d'époque.
Paradoxalement,
le roman n'est pas aussi anticlérical que son argument pouvait le
laisser penser. Les libre-penseurs et autres rationalistes en prennent
autant pour leur grade que les sbires du Vatican et le roman traite
davantage de la morale au sens large (avec beaucoup de citations de
Kant) que de la seule religion.
Ce livre illustre l'un des grands
intérêts du roman en général, sa capacité à exploiter une idée jusqu'au
bout, de pousser sa logique jusqu'à l'absurde. On retrouve ce talent
chez d'autres auteurs qui flirtent avec le conte philosophique teinté
d'humour, comme par exemple Arto Paasalina.
Dernier point fort de
l'ouvrage, sa couverture qu'on peut sans doute qualifier d'iconoclaste
a attiré l'attention de plusieurs personnes de mon entourage, a priori
peu encline à s'intéresser à la SF. Le pouvoir du Diable en équilibre
sur la bite divine est impressionant...
J-F S.